lundi 7 janvier 2019

Les premiers jours de retour en France

L'alsacien ayant terminé cette blague - le Gendarme demande le nom de mon camarade et le mien. Je réponds spontanément Morretti et Angelot. Le gendarme me remet mon vélo en disant que c'était bon et en me conseillant de ne plus oublier mes papiers. Après "Heil Hitler" je roule direction La Chapelle. Un bon coup de "Schnaps" m'a fait du bien. La route est longue et pénible avec ses montées et descentes. J'ai poussé au maximum pour voir avant la nuit ce qui serait possible de connaître sur la nouvelle frontière depuis l'annexion de l'Alsace en septembre dernier.
Arrivé au sommet de la dernière côte avant La Chapelle j'entends le bruit éloigné d'une moto conduite par un Militaire Allemand. J'ai de suite rapidement quitté la route pour m'enfoncer dans le bois de sapins, plaçant mon vélo dans une combe et me cachant de manière à pouvoir observer la route. Il s'agissait bien d'un Militaire qui se rendait au détachement de gardiens à la nouvelle frontière. Quelques minutes après les chiens se mirent à gueuler. Je me suis demandé si le gendarme de Soppe le Bas s'était aperçu que j'avais joué la comédie. Il ne restait que peu de temps avant la tombée de la nuit. La moto reprenait la route, sa mission terminée. Je n'entends plus les chiens. La pluie s'étant mise à tomber les chiens perdant leur flair n'avaient plus d'utilité. De toute façon j'avais ce qu'il fallait pour les éliminer avec quelques poignées de poivre bien moulu. J'abandonne le vélo. Je trouve l'endroit idéal pour me permettre d'avoir une bonne idée de la situation. Placé au sommet du bois je distinguais nettement le tracé de la frontière, la baraque des sentinelles, les piquets jalonnant la frontière bien au delà de ce que je désirais. J’apercevais même les petits villages en zone occupée les plus proches de cette frontière. La nuit commençait à tomber - j'ai attendu, le passage me semblait facile- mais comme on le dit souvent, toujours des risques et des imprévus- mais il y avait souvent aussi la chance. Je crois qu'il y a aussi un bon Dieu pour les évadés. Le point était fait sur ma boussole - je devais suivre parallèlement la frontière à 200 mètres de distance à l'opposé des gardiens et bifurquer de 45° dans les terres. Je devais après avoir franchi la frontière faite quelques 100 mètres en zone occupée pour avoir la certitude de me trouver en FRANCE occupée. La nuit arrivait à grand pas (nous étions le 20 novembre 1941) . Après 2 heures d'attente, la nuit venue, les gardiens faisaient la navette le long de la frontière à raison d'un gardien tous les 200 mètres environ. Le contrôle sur les gardiens était très facile, chacun d'eux était porteur d'une lampe donnant un éclairage tamisé en bleu - ceci  pour la protection aérienne. Il n'y avait pas meilleur moyen pour tracer la nuit la position de la frontière aux évadés. On aurait pu passer cette frontière plusieurs fois de nuit sans risque. une heure après la sortie de mon refuge, je me trouvais en France occupée, précisément à Petite Fontaine. Avant mon entrée dans le village j'ai dû ramper environ cinquante mètres dans un terrain boueux avant d'avoir dans mes bras la borne kilométrique portant le nom de Petite Fontaine, que j'ai dû embrasser couché dans le ruisseau longeant la route. Couché en long dans ce canal j'étais comme dans une baignoire trempé jusqu'aux os. J'ai rêvé un bon moment de cette position regardant plusieurs fois cette borne, symbole de tant d'espoir et de souvenirs. Je sors de cette position pour me présenter à la première maison la plus proche de la route. Il était 10 heures. Je frappe à la porte, c'était un homme de 60 ans environ. Je lui ai demandé s'il était possible de sécher mes vêtements à la cheminée. Il a compris de suite que j'étais un évadé. Pendant que mes effets commençaient à sécher il me préparait un repas sans me parler. C'était un très bon repas bien arrosé. Nous avons parlé un bon moment de la guerre et de ma 3e évasion. Après avoir fumé chacun un bon cigare il me laisse libre de me coucher sur le divan où passer la nuit près de la cheminée pour entretenir le feu. Lui ayant demandé où se trouvait la gare des cars, en me renseignant il me donne les horaires pour Belfort - Je pensais prendre le départ à 6 heures du matin. Après les adieux et remerciements nous nous séparons.







mardi 12 septembre 2017

Une rencontre compliquée

Quatre jours après ma présence à la Pâtisserie, après avoir bien dormi et bien mangé avec le bon vin d'Alsace et de France - Muller Estime que je ne pouvais pas partir avec les vêtements que je porte. Il me propose de me ramener ce qu'il me fallait. Pas de souliers ni de chapeau, par contre un pull over bien chaud.
J'avais à me procurer une bicyclette en bon état en pensant à la pompe de gonflage et un nécessaire de réparation chambre à air - que de détails pensera-t-on ? Pour La Chapelle, j'avais environ 60 km à rouler après quoi la campagne. Le Patron pâtissier me propose une bicyclette qu'il possédait et qui ne lui servait à plus rien. Je lui ai dit que je pouvais payer une bicyclette, il m'a dit "ça non". Si la bicyclette vous convient vous pouvez la prendre. Muller avait apporté deux bouteilles de champagne. Invité ce soir à manger avec nous, nous avons beaucoup parlé de l'Alsace, de la guerre et surtout bien bu et fumé fumé. Muller serait mobilisé dans quelques jours et envoyé en Russie. Le lendemain, je recevais mon costume choisi entre trois autres. j'avais pu conserver ma boussole lumineuse qui allait me servir efficacement au passage de la frontière en pleine nuit. Je fais mes adieux à Muller dans la nuit, nous sommes embrassés. Je partais le lendemain vers 9 heures. Le mitron porteur de sa hotte de livreur devait prendre le chemin et moi le suivre à distance de 20-30 mètres jusqu'à la sortie de Colmar direction Belfort. J'avais fait mes adieux au Patron et à sa femme avec les remerciements et une larme de Madame.
Le mitron me quitte, je me dirige sur Cernay. Le patron m'avait donné une petite bouteille d'eau de vie que j'ai bien appréciée. Premier arrêt au Café Bar à la sortie de Colmar pour un bon demi de bière et en route. Avant de rentrer à Soppe le Bas je casse la croûte avec un café. Les clients et le patron ne parlaient que le français. Je reprends mon vélo et j'aperçois en contrebas de la route à environ 200 mètres un homme vert de gris en discussion avec un civil en plein milieu de la route. J'étais encore assez loin d'eux pour me permettre de faire marche arrière sans être vu et prendre les champs. J'avais fait un choix très rapidement entre la fuite et continuer ma route comme si rien n'était. J'étais habillé très correctement, en pleine forme et ne donnant pas l'allure d'un homme traqué. Meyer avait accroché à ma veste une belle croix gammée et un char allemand en métal argent. Il ne me manquait que des papiers d'identité. C'était beaucoup risquer mais je pensais en sortir avec un peu de ruse. Je continue donc ma route comme je l'avais pensé le gendarme me fait signe de m'arrêter. Je fais "Heil Hitler" il me rend le salut en prenant mon vélo par le guidon et faisant fonctionner les freins et me dis assez correctement que je dois faire régler les freins. Tout en me remettant le vélo, il me demande mes papiers - et là s'engage une discussion petit nègre allemand et français.
je propose que l'Alsacien encore présent traduise ce que j'ai à dire, en indiquant que j'ai travaillé en France pendant 10 ans. L'Allemand accepte, je tourne légèrement la tête en parlant à l'alsacien qui a compris que j'étais un évadé : vous traduisez que je suis Italien, que j'ai demandé à travailler pour l'Allemagne après la défaite de la France. Je suis spécialiste de l'armement. J'habite à Ensisheim, un camarade italien m'a téléphoné qu'il passerait en Alsace demain soir pour me rencontrer à Soppe le Bas.
Dans la précipitation j'ai oublié mes papiers qui se trouvent dans mes effets de travail.

dimanche 3 septembre 2017

Colmar

Avant de prendre la ville au petit jour, cette ville qui commençait à s'animer, les gens allaient aux affaires où au travail, j'abandonne mon treillis de PG que j'avais conservé jusqu'à ce moment.
Je prends la route de la gare puis la rue de la République. Arrivé à la rue des clefs je m'arrête devant une pâtisserie montrant sa vitrine de beaux croissants, petits pains et autres pâtisseries. Je rentre dans ce magasin en même temps que deux clients, l'un des deux salue avec un "Heil Hitler" la patronne a répondu par bonjour à l'une et à l'autre. Après la sortie de ces deux clients je demande deux croissants en langue Allemande bien à moi. La patronne rit en me regardant et disant : vous êtes Polonais ? Je lui réponds alors en bon français. Si vous êtes français que faites vous ici ? me dit-elle, dans ce cas rentrez dans la cuisine prendre un café avec vos deux croissants. Je ne suis pas un agent Nazi ou faux évadé - voilà les noms et adresses des Alsaciens que j'ai connu avant et pendant la guerre au Rhin. Le patron de la maison entre à la cuisine surpris de me voir. Sa femme lui donne l'explication. Il se présente en me donnant la main et me fait comprendre qu'il allait faire le maximum pour me permettre de continuer ma route.
Il demande à la femme de ménage de me préparer de suite la chambre à donner pour me permettre de me reposer un peu, à midi on parlerait de la marche à suivre. J'ai dormi comme une souche - Ma toilette terminée on frappe à la porte me disant que c'était l'heure du repas. Un repas dont je me suis régalé. Tout en mangeant, j'ai raconté un peu ma vie depuis le 17 juin 1940, date de ma capture. Au repas du soir il y avait un invité de la Résistance. Nous avons surtout parlé de mon départ en vue du franchissement de la frontière à La Chapelle. J'ai demandé en particulier si je pouvais contacter Mr. Müller Lucien à Hettentschlag pour lui dire que j'étais à Colmar. Lucien Müller était mon cuisiner durant toute la guerre au Rhin. Le lendemain j'avais la visite de Müller visiblement heureux de me revoir - Il m'a remis 1000 marks.


jeudi 17 août 2017

Suite de l'évasion

Il a fait ouvrir les portes de tous les wagons, ses hommes en hurlant montaient et descendaient des wagons. J'en ai conclu qu'il avait demandé à un évadé de lui donner des renseignements à la recherche d'évadés - c'était une petite récréation. Mon train était en place la locomotive en tête bien dans le sens Colmar indiqué sur panneaux. J'ai voulu m'assurer quand même que c'était bon pour Colmar en me payant l'audace de le demander au mécanicien du train. "Nach Colmar" lui ai-je dit, il m'a répondu aimablement "Jawol".
Je monte dans une voiture de 3e classe. A peine installé la porte de mon compartiment s'ouvre, je m'approche, c'était une petite femme très jeune qui manipulait difficilement 2 grosses valises. Je suis descendu sur le quai et je lui ai placé ses 2 valises dans le compartiment. Elle m'a bien remercié mais je n'avais pas besoin de ça. Le train démarre, nous avons échangé quelques mots, me faisant passer pour un Italien travaillant à Colmar pour l'armement. Elle parlait assez bien le français. Son mari était sur le front Russe. Arrivé à Vieux Brisach, où elle descendait, je lui descends ses valises sur le quai - puis "au revoir". Le train repart, je passe sur le pont que j'avais fait sauter en novembre 1940 durant la drôle de guerre. J'ai été fortement impressionné. C'était en même temps un moment de tristesse pour la défaite - et de joie de me sentir sur le chemin de la liberté. Je sentais venir la fin de ces 17 mois de lutte acharnée contre la soumission.
Mon train arrive en gare de Colmar. Je connaissais assez bien la gare pour me rendre à la sortie. Un gendarme allemand qui me fait signe de m'arrêter - je le salue sérieusement en levant la main avec un "Heil Hitler" bien sonore. Il ne lui fallait que cela pour être content. Il m'a rendu le même salut du garde à vous et m'a laissé passer. Ce accroc m'avait un peu refroidi. Il m'a fait comprendre que je n'étais pas encore au pays de la liberté et que les contrôles devaient être fréquents. Il était tard, environ 23 heures. Je ne devais pas me rendre en ville. Je prends la direction de la Résidence en face de la gare, les rues étaient désertes. Je m'enfonce dans ce quartier à la recherche d'un coin où je pourrais passer quelques heures pour dormir un peu en attendant le jour. A tout hasard je pénètre dans le parc d'une maison bourgeoise imposante pour trouver un abri sous un buisson de décoration, quand je tombe sur une baraque genre guérite. Cela ressemble à une grosse niche à chien-on pouvait se tenir debout. Je passe la fin de la nuit dans cette niche où j'ai dormi une paire d'heures.

lundi 14 août 2017

Fin du travail - Le début de l'évasion.

La sonnerie annonçant la fin du travail me donne le signal de départ. Ma 3e évasion commençait enfin. Rapidement, je rentre dans les WC en verrouillant la porte pour m'isoler. Je retire mon treillis de travail, que je roule en paquet et l'enferme dans un papier d'emballage que j'avais prévu, ne voulant laisser aucune trace aux allemands sur mon passage. Ma casquette sur la tête et mes lunettes en place, je ne me serais pas reconnu moi-même. Je sors du WC me mêlant à la foule des ouvriers se dirigeant vers la sortie, grande porte. J'entends encore gueuler les gardiens allemands qui n'avaient pas encore trouvé leur compte de PG. Sorti de l'usine je me dirige sans précipitation  direction de la gare que je quitte rapidement vers le chemin indiqué par mon Alsacien. Ce chemin longe la voie ferrée qui doit me conduire  environ 5km à l'opposé de la gare d'Emmendingen. Arrivé devant cette gare de campagne, j'observe ce qui se passe autour de moi - je me prépare à rentrer dans la gare lorsque j'aperçois, parmi les quelques voyageurs, un officiel Allemand qui venait prendre le train. Caché derrière un gros buisson bien feuillu, j'ai laissé passer quelques minutes avant de me présenter à mon tour au guichet pour prendre mon billet comme je l'avais appris. Aucune question ne m'a été posée - c'est ce que je cherchais. Je passe sur le quai donnant la direction Fribourg. J'ai attendu quelques minutes pour laisser l'officier prendre sa place et j'ai choisi, bien sûr une autre voiture de la sienne. Le train se met en route, je passe à Emmendingen, devant sans doute, les gardiens du camp attendant ici le PG en fuite pour le coincer. Les gardiens n'avaient pas l'idée de fouiller le train venant d'une direction inverse à celle de Fribourg. A la gare de Fribourg j'ai une heure d'attente pour le train de Colmar. Je fais les cents pas du quai indiqué pour Colmar. Un fait amusant que voici : en me baladant sur ce quai, je vois arriver sur mon 5 soldats allemands en armes, sous le commandement d'un gradé bien agité et s'adressant à moi pour renseignements sur un train devant arriver en gare. Sans me désarmer et calmement je fais comprendre en petit allemand que je n'étais pas un agent du chemin de fer mais un italien travaillant pour l'Allemagne. A cette réponse, il a levé les bras en l'air en courant avec ses hommes après un train de marchandises.


vendredi 28 février 2014

Derniers préparatifs

Connaissant cette nouvelle importante, je pourrai rouler jusqu'à Colmar sans contrôle frontalier, la nouvelle frontière devenant ainsi La Chapelle.
Je travaillais seul dans un atelier de teinture sans surveillance. J'avais reçu de mon ami Chautan un complet militaire kaki (veste genre blouson anglais) en parfait état. Teint en bleu marine, je pouvais en faire un costume civil très correct.
Dans mon atelier il y avait une étuve. J'ai vérifié si elle était fonctionnelle en ouvrant la vapeur. Il ne manquait que la teinture. Un jeune Allemand passait parfois me voir. C'était un bègue bien marqué et un peu simple d'esprit. Me voyant un jour manger du chocolat, je lui ai offert quelques morceaux. Il a mangé ça comme un fou. J'ai risqué de lui demander s'il pouvait me procurer 300 grammes de teinture "dunkelblau" pour teindre un tissu à chaud, je lui donnerai une tablette de chocolat. Le lendemain j'avais la teinture. Avec l'index de la main sur les lèvres j'ai pu lui faire comprendre qu'il fallait n'en parler à personne. Il m'a répondu : "ja verstanden" [note : "oui, compris"] et il m'a donné la main.
En plein travail j'ai quitté veste et pantalon pour endosser mes effets de travail que je pouvais conserver. Il ne faisait pas encore froid (fin octobre). J'ai passé mon costume à la teinture que j'ai gardé en cuisson pendant une heure. J'ai ensuite vidangé la cuve pour y retirer le costume teint d'une façon impeccable. J'ai éliminé le maximum de liquide et j'ai accroché l'ensemble sur le derrière d'un énorme radiateur bien disposé pour masquer les effets.
Pour permettre aux gardiens de nous récupérer après le travail et surtout pour nous compter rapidement, nous devions nous rassembler et ranger par 3 - derrière les WC interdits aux PG. Je passais tous les jours devant la porte de ces WC pour me rendre au rassemblement, prévu terminé 3 à 4 minutes après la sonnerie de la fin du travail. J'ai demandé à un copain récidiviste à l'évasion de semer la pagaille dans le rassemblement afin que les sentinelles, en comptant et recomptant s'aperçoivent le plus tard possible qu'il manquait un PG.
Ma sortie de l'usine était préparée, j'avais ce qu'il me fallait : casquette, lunette verre foncé, ma tenue bleue foncée était sèche, je savais le prix du billet Colmar (aller et retour) pour justifier que je revenais au Pays. J'avais bien retenu la phrase à donner en allemand pour avoir ce billet à l'agent du guichet chemin de fer sans explication.

vendredi 29 novembre 2013

La vie au camp d'Emmendingen

Je serai bientôt le 6e évadé d'Emmendingen et personne, même pas mes camarades, ne saurons mon trajet. Dans ce camp il y a en effet de grandes difficultés pour sortir - les barbelés - les égouts inaccessibles - Le seul passage possible : sortir avec les ouvriers civils de l'usine (400 environ) Ainsi mêlé au milieu des 400 ouvriers pour sortir de l'usine après 17 heures - j'en suis resté sur ce projet. Je viens de passer 15 jours dans ce commando - je demande l'autorisation de consulter le médecin pour une soit disant bronchite - pas de médecin au camp, je le savais bien sûr, il fallait passer par un médecin de ville. J'ai été autorisé  voir le médecin, c'était un très vieux toubib de 14/18 surement, il m'a très bien reçu et m'a ordonné des cachets en me demandant de revenir si ça n'allait pas mieux.
Ma demande de consultation n'avait pas d'autre but que de faire une reconnaissance en dehors de l'usine : emplacement de la gare, possibilité de sortir rapidement de la ville en direction de Fribourg-Brisach etc. Rentré au camp je fais la connaissance d'un Alsacien travaillant à l'usine, originaire de Rouffach. Il se rendait dans sa famille tous les samedi. Je lui ai fait part de mes intentions, après l'avoir testé sur ses sentiments à l'égard des Français. Il ne m'a pas caché que les Alsaciens restaient avec la France. Je lui demandais s'il pouvait, le moment venu, me procurer une casquette et une paire de lunettes noires ou vert foncé et me dire le prix exact (au Pfennig près) pour un billet de chemin de fer Comar aller et retour 3e classe avec départ de la gare la plus proche de Emmendingen. Je tiens à avoir le prix exact afin d'éviter une discussion avec l'agent du guichet de la gare. Prendre le train en gare d'Emmendingen serait un suicide, car le premier objectif pour la Police était à coup sûr cette gare. Il me fallait également les heures de passage du train de la gare dans le sens opposé de mon trajet pour déjouer la police, ainsi que les heures de départ des trains de Fribourg à Colmar et le N° du quai. L'Alsacien m'a donné l'assurance de m'aider de bon cœur et m'a proposé de me rencontrer pour recommander la leçon. Il m'apprend ce qui est important,que l'Allemagne venait d'annexer l'Alsace. De ce fait la frontière du Rhin disparaissait, la nouvelle frontière devenait celle de 1914.



Notes :
Emmendingen c'est ici

Je n'ai pas trouvé, bizarrement, d'informations significatives sur un camp de travail/d'emprisonnement à Emmendingen par contre.

jeudi 21 novembre 2013

Nouvel emprisonnement

Emmené au café qui venait d'ouvrir j'ai bu 2 cafés et 2 schnaps et mangé un bon pain (cela est sans doute une tradition).
Considéré et bien traité j'ai été emmené à la gare de vieux Brisach où j'ai attendu le départ pour Vilingen, mon STALAG. Après les 15 jours de prison et 20 jours de camp disciplinaire j'étais à nouveau le PG prêt à partir dans un camp de travail. Je ne tomberai plus sur un commandos comme celui de Fribourg-Fortschritt. Quelques jours après j'étais embarqué à Emmendingen dans une usine de textile - commando de 40PG. Un bâtiment assez grand pouvait permettre l'installation des 40PG. La nourriture était mauvaise mais acceptable quand même. Le pire était que ce commando était un peu disciplinaire - 5 évasions dont 4 manquées, depuis l'existence du camp. L'effectif des gardiens : 1 Feldwebel et 6 gardiens pas commodes. Le bâtiment des PG était rattaché à l'usine sur le même territoire et touchant presque l'usine. Les PG pouvaient donc circuler entre le bâtiment PG et tout l'ensemble de l'usine sans avoir à passer par l'extérieur. Pour sortir de l'usine, donc du bâtiment PG il n'y avait que la porte principale par laquelle civils et PG devaient passer pour entrer et sortir de l'usine. Cette porte en fer forgé énorme était gardée de jour et de  nuit en permanence par une sentinelle et un chien. Tout l'ensemble - usine et bâtiment PG était clôturés par un imposant réseau de barbelés surveillé par sentinelles en armes et en chiens. Il n'y avait aucune possibilité de s'échapper de ce réseau. S'échapper de nuit pas possible, dans le couloir une sentinelle armée, les barreaux des fenêtres avaient une section telle qu'il ne fallait penser à scier. Toutes les portes étaient armées de tôles de 2mm fixées sur les panneaux en bois. Le Feldwebel était un ancien prisonnier des Français qui de 14 à 18 s'était évadé 2 fois et était pour ses chefs, de ce fait, l'homme qui convenait pour agir sur les évadés. Ce n'est pas mon avis, il avait surtout une bonne gueule pour menacer sans cesse et traiter les PG de sales français. Il nous a dit un jour au cours d'un rassemblement qu'il avait eu des ordres pour tuer sans sommation. Après chaque évasion, les gardiens disaient : où a t'il bien pu passer ? Leur rôle était de chercher le passage et de le colmater.

jeudi 7 novembre 2013

La 2e évasion : un nouvel échec.

Comme tous les samedi on mangerait au Restaurant à 100 mètres de l'atelier et ferait ensuite une partie de football sur un terrain de l'Usine. Cette partie prenait fin vers 14 heures. Le cuisinier pendant ce temps faisait avec un aide la vaisselle. Les gardiens assistaient à la partie de football, aucune surveillance sur les 2PG à la vaisselle, surveillance inutile à leurs yeux, la porte de l'usine étant fermée à clef. Les portes des ateliers n'étaient fermées que le soir après 7 heures à la première ronde du veilleur de nuit.
Ce samedi je demandais à aider le cuisiner. Sous prétexte de WC je vais à l'atelier, je quitte mes effets de PG pour mettre les vêtements civils dont j'avais vérifié leur présence à l'endroit prévu. Les fenêtres de l'Atelier donnaient sur un terrain vague et isolé. Une maison d'habitation était à quelques mètres de la fenêtre choisie pour passer, fenêtre à environ 2 mètres du sol extérieur.
Le temps de changement des effet n'a duré que 2 minutes. J'ai enfermé mes effets de PG dans un sac plastique décoré coquettement. J'avais repéré ce sac accroché sur une machine depuis quelques jours. Ce sac me permettait d'emporter avec mes effets de PG, rasoir, tabac, savon et mon courrier.
Les vêtements devaient disparaître de l'usine en particulier pour faire disparaître le moindre indice de complicité sur ceux qui m'ont aidé si généreusement.
J'ouvre la fenêtre sans difficulté, j'enjambe cette fenêtre et je saute. Le bruit du choc à terre attire l'attention d'une femme au 1er étage de la maison voisine. Elle passe la tête par la fenêtre et me regarde l'air surprise. Elle m'a sans doute pas cherché à me signaler. Je prend le chemin menant à la route repérée - je croise le garde champêtre que je salue à l’Hitlérienne - il répond en levant la main et continue son chemin. Je rencontre, par coïncidence, la petite dame dont j'ai parlé plus haut, qui venait de perdre son mari sur le front Russe. Elle m'a bien regardé avec un petit sourire et un aimable signe de tête. Je l'ai à mon tour saluée et elle a continué son chemin comme si rien n'était.
Il est 14 heures, les PG sont surement rentrées au commando à grands coups de gueule sans doute, ma disparition devait être connue. Arrivé au Rhin sans incident sérieux à part que j'aurais pu me faire éventrer par 3 sangliers qui fonçaient en sens inverse de ma direction - j'ai eu peur. Il était environ 4 à 5 heures du matin. Je fixe mes 2 oreillers pneumatiques et rentre dans le Rhin, l'eau est bonne, la nuit malheureusement trop claire. J'avais précédemment caché mon sac dans l'entrée d'une casemate de la fortification. Le Rhin traversé sur moitié de sa largeur, au moment que je prenais le courant du fleuve, qui devait dans sa courbe me renvoyer à l'autre rive, un coup de fusil a été tiré du côté allemand - puis un deuxième du côté Alsace. Risquant d'être touché à l'eau et de me noyer et surtout repris du côté Alsace. J'ai fait marche arrière, j'ai couru aussitôt à la casemate, j'ai eu le temps de changer mes effets civils pour remettre mes effets PG. J'ai eu le temps aussi de faire disparaître les effets civils dans le Rhin. Les gardiens me cherchaient, le jour se levant je n'avais plus d'issue, je me suis rendue - C'était la fin de la 2e évasion - échec pour peu de chose - un ciel trop clair et des oreillers de couleur blanc-neige, rendus trop visibles, ce qui a attiré l'attention des gardiens qui me m'ont fait comprendre.

dimanche 20 octobre 2013

Juillet 1941 : les préparatifs de la seconde évasion s'achèvent.

Le directeur passait assez souvent au réfectoire pour nous demander si nous avions rien à réclamer - c'était bien la collaboration. La politique de Pétain était franchement bonne pour les PG. La mentalité des Allemands de ces régions (Forêt Noire et Rhin touchant la France) était très différente des autres régions de l'Allemagne. Je savais qu'une évasion allait compromettre le confort des autres PG, mais moi problème n'était pas une bonne planque pendant la guerre. Moi je ne pensais qu'à la cavale contre la soumission et pour la liberté sans autre considération. Les semaines passaient - arrivé le 22 juin 1941 ( on ne peut oublier la date) [note : l'Armistice entre la France et l'Allemagne a été signée le 22 juin 1940 ] . Le directeur en passant s'arrête près de moi et me dit nerveusement : l'Allemagne vient de rentrer en Russie, nous avons perdu la guerre. Je le savais déjà par notre poste de radio. Je ne pouvais lui dire ce que je pensais, cela était le plus beau jour de mes 15 mois de captivité. Tous les allemands et allemandes étaient consternés. Ils ne pensaient pas que Hitler aurait été jusque là. 8 jours après une ouvrière de l'atelier de moins de 20 ans venait d'apprendre que son mari avait été tué. 3 jours après elle reprenait le travail vêtue de noir. Nous, les PG, avons coupé quelques roses dans le parc de l'usine et avons posé le bouquet sur sa machine. Elle nous a fait quelques signes de remerciements discrets. Il est temps d'envisager mon départ pour le Rhin à Brisach, mais il me manquait des vêtements civils usagés. Mon ami Freder va petit à petit sonder la balayeuse qui lui promet d'essayer de faire le nécessaire. Le lendemain elle propose un pantalon à jambes courtes en cuir clair, une chemise allant avec et un chapeau vert garni d'une plume. Le pantalon avec bretelles en cuir blanc garnis d'EDELWEISS et une paire de souliers pointure 43. Elle demande le tour de taille pour le pantalon et la pointure pour le chapeau. Mon ami Freder qui parle l'allemand comme le français la rassure qu'en cas d'échec personne ne saura jamais la provenance de ces vêtements. Pas nécessaire de faire un paquet tout sera posé en vrac dans le placard directement en dessous de mon étau. Je collerai un petit papier blanc sur la porte à ouvrir le placard. Cet équipement devait être en place le jour que j'indiquerai - cela sera un jour de la dernière semaine de juillet. La femme dit à Freder qu'elle était honteuse pour ces effets volés à son frère qui se battait en Russie. Elle a demandé que je promette de ne pas reprendre les armes contre les Allemands. J'ai attendu 4 jours avant qu'elle confirme que les vêtements seraient prêts. Elle placerait les vêtements le jeudi, je pourrais m'assurer le vendredi que tout était en place.





Notes :
-15 mois de captivité : donc on en déduit que Marius a été arrêté vers le 22 mars 1940...
-Pour me faire une idée je me suis amusée à faire un itinéraire entre Villigen et Brisach à pieds, google maps donne une distance de 84,5km et 17h30 de marche.
-on remarque que les relations des français et allemands, des "petites gens" ne sont pas dans le conflit ... finalement eux subissent tous la guerre politique...

dimanche 13 octobre 2013

Avril 1941 - travail et communication.

2 seuls PG étaient au courant de mes projets, le cuisinier et un ex adjudant du 42e régiment d'infanterie que j'ai connu pendant la guerre au Rhin en 39-40 adjudant FREDER, un alsacien, c'était mon seul copain. Comme je l'ai dit, les 20 PG se trouvaient enchantés de leur position. Je suis d'accord avec eux pour cela. Mon travail à l'Atelier était le plus intéressant. Les autres PG passaient leur temps à coller des étiquettes., poinçonner sur machine, estamper des pièces, meuler des bavures etc... Mon travail demandait une certaine adresse dans des ensembles mécaniques de meubles de classement, des classeurs métalliques eux-mêmes. Ce travail demandait de la précision. Il fallait être un peu du métier. Je n'étais pas "aux pièces" heureusement, je n'aurais pas beaucoup gagné. Mais mon travail était fait avec un peu de fierté à l'entière satisfaction de nos "maîtres". Mon atelier au même niveau que le plancher du bureau du Chef d'Atelier séparé par une cloison vitré, un établi très soigné avec étau, une perceuse et une meule électrique, un marbre, un trusquin etc. Sous l'établi des placards inoccupés, un outillage complet de précision. Les placards sous l'établi vont jouer un petit rôle dans mes préparatifs d'évasion. Le bureau et mon atelier étaient balayés deux fois par semaine par une bonne, grosse allemande qui semblait être l'amie du Feldwebel. Elle aimait plaisanter et j'aimais l'amuser avec mes blagues. Entre nous une camaraderie s'est réalisée. Nous étions vers la fin avril 41. Deux mois viennent de passer. J'avais de temps à autres la visite du Directeur qui me parlait des relations entre nos deux pays. Il comptait beaucoup avec Pétain. Il me disait que je pourrais travailler en Allemagne et faire venir ma famille. Je lui disais qu'on ne pouvait rien prévoir, la guerre étant loin d'être terminée pour l'Allemagne. Je ne lui ai pas caché que je souhaitais l'entente entre nos deux pays - mais sans esprit de domination de l'un sur l'autre.


note :
bon j'ai fait des recherches pour retrouver des traces de cet adjudant alsacien mais je n'ai rien trouvé sur le net (après j'ai pas cherché trois heures et je n'ai sans doute pas les bonnes adresses documentaires.

samedi 28 septembre 2013

Travail dans une usine de meuble.. et toujours le projet en construction.

Il est vrai que la collaboration de Pétain améliorait énormément le sort des PG. Nous le sentions nettement dans nos contacts avec les Allemands, mais cette collaboration était surtout favorable aux Allemands qui avaient besoin de beaucoup de main d'oeuvre. Les grands centres de fabrication commençaient à subir d'importants bombardements par l'RAF. Les Militaires à subir d'importants bombardements par l'RAF. Les Militaires mettaient la main sur toutes les petites et moyennes entreprises dispersées dans le pays pour la fabrication de pièces détachées des entreprises n'étant jamais touchées par l'aviation. De plus, la transformation de PG en civils était un moyen de réduire l'importance de la surveillance de 2 à 3 millions de PG.
L'officier m'annonçait que je ne serais pas sanctionné et il m'a demandé si j'étais d'accord pour faire un autre travail. J'ai dit oui.
Dans ma baraque on préparait un commando pour Fribourg. Il manquait encore quelques PG et j'ai demandé à en faire partie. Quelques jours plus tard nous partions en commando de 20 PG - commerçants, menuisiers, sous officiers, instituteurs, etc. - tous volontaires non pour s'évader mais cherchant avant tout une bonne plaque en  attendant la fin de la guerre.
Le dortoir à Fribourg était aménagé dans un immeuble assez important. Les lits à 2 étages étaient corrects. La surveillance se composait d'un Feldweibel et de deux gardiens assez âgés. Nous allions travailler dans une fabrique de meubles. Très peu de personnel masculin dans l'Atelier. Des femmes surtout et un grand nombre de machines arrêtées. L'ensemble des PG travaillait en bonne intelligence avec le personnel de l'Atelier - on peut dire presque amicalement. Le directeur de l'entreprise, assez jeune, marié avec une Bordelaise, parlait bien le français. Il passait tous les jours voir ses PG et s'arrêtait souvent près de moi parlant de la guerre et de l'après guerre. C'était un bon Allemand, pas un Nazi mais il souhaitait bien la victoire finale de l'Allemagne. Il m'a invité de passer un dimanche après midi chez lui - il y avait des arbres à planter dans son parc. J'ai refusé et il ne m'en a pas voulu pour autant. La salle à manger était bien agencée, la nourriture bonne, la même que pour les civils. Une bouteille de bière à chaque repas. C'était la vie de château pour un PG. Tous les samedi nous mangions à midi dans un petit restaurant et faisions ensuite un jeu de football avant le retour au camp. Je recevais enfin mes 2 oreillers pneumatiques et pouvait envisager la deuxième évasion, objectif le Rhin. Je me trouvais  25km de vieux Brisach, en pleine forme, une bonne possibilité de m'enfuir de l'Atelier, la saison se prêtant bien à prendre le large, pas de ravitaillement à préparer, une connaissance suffisante des lieux, une boussole suffisait. Une petite route de campagne reliait Fribourg à Brisach. J'aurais à me méfier plus des autres PG que des gardiens. Je savais que l'évasion d'un PG dans un commando faisait supprimer colis et courrier pendant 2 mois aux autres PG et j'avais bien entendu qu'un PG aurait déclaré qu'il n'hésiterait pas à dénoncer aux Allemands si un Français cherchait à s'évader. Je ne pense quand même pas que cela pouvait aller jusque là, mais j'avais à me méfier.



note :

mardi 24 septembre 2013

Préparation de la seconde évasion

Les jours passent sans changement. La patronne sentait bien, aux renseignements que je lui demandais avec prudence, que je cherchais ce qu'il me faudrait pour prendre la fuite. L'itinéraire prévu était l'Alsace par Neuf - risach [note du rédacteur : faute de frappe : il parle sans aucun doute de Neuf-Brisach] - mais il y avait ce Rhin à passer. Villigen - Fribourg - Brisach par chemin de fer. Ce qui me manquait : un vêtement de civil, un ticket de chemin de fer, 2 oreillers pneumatiques - que j'avais demandé à ma famille en France.
J'étais sûr que la patronne me donnerait un vêtement civil et un ticket de chemin de fer pour Vieux Brisach. Les 2 oreillers m'étaient indispensables pour traverser (le Rhin) le fleuve à la nage. Je n'étais pas assez bon nageur pour me permettre cette tentative sans les oreillers. Je n'attendais plus que ces fameux oreillers pour m'évader la deuxième fois.
3 semaines après la visite des recruteurs de PG - à transformer en civils - nous recevons à nouveau une visite. C'est un curieux personnage. Un homme d'un certain âge venait passer une commande pour la fabrication de pièces en acier et en bronze. Avant de me demander mes possibilités il a vérifié ce que je faisais en examinant la qualité de mon travail. Il me présentait un plan de pièces à fabriquer en me demandant si j'étais capable de les réaliser et si l'outillage de la serrurerie le permettait. Le bas de la carte portait l'inscription "Luftwaffe". J'ai de suite réalisé et répondu que je refusais tout travail concernant l'armement. Il n'a rien répondu et quitté l'atelier après avoir replié son plan. Je ne l'ai pas revu, mais 3 jours après ma sentinelle vient à l'atelier et me demande de rentrer au Stalag. Je devais passer auprès de l'officier de justice au sujet de mon refus de travail, je lui ai dit que personne ne pouvait m'obliger à travailler pour l'ennemi - conformément aux conventions de Genève. Il  m'a fais remarquer que la guerre était terminée et que cette convention n'était plus valable. Je lui ai répondu que l'armistice n'était pas la paix et que personnellement je me considérais comme l'ennemi tant que je ne serais pas libéré. Il a finit par me dire que le Maréchal Pétain et le Führer collaboraient pour une association sincère. J'ai répondu que cela serait le meilleur pour les deux pays mais que des soldats français se battaient encore, en Afrique en particulier, je ne pouvais pas travailler contre eux.


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Note :
    La Convention ne remplace pas les dispositions des Règlements de la Haye; elle les complète seulement. Les nouvelles dispositions les plus importantes concernent l'interdiction des mesures de représailles et de peines collectives à l'égard des prisonniers de guerre, l'introduction de dispositions concernant l'organisation du travail des prisonniers, le droit des prisonniers de guerre à désigner des représentants vis-à-vis des autorités militaires et des Puissances protectrices, et l'organisation du contrôle exercé par les Puissances protectrices.

    La Convention de Genève concernant le traitement des prisonniers de guerre de 1929 fut remplacée par la troisième Convention de Genève du 12 Aout 1949. La Convention de 1929 n'a plus d'application en conséquence de l'adhésion universelle aux Conventions de Genève de 1949.


Pour approfondir vous pouvez aller lire sur le site de la Croix Rouge :


Et Marius fait référence à l'article 31 en particulier dans la convention de 1929, donc :
    Les travaux fournis par les prisonniers de guerre n'auront aucun rapport direct avec les opérations de la guerre. En particulier, il est interdit d'employer des prisonniers à la fabrication et au transport d'armes ou de munitions de toute nature, ainsi qu'au transport de matériel destiné à des unités combattantes.
    En cas de violation des dispositions de l'alinéa précédent, les prisonniers ont la latitude, après exécution ou commencement d'exécution de l'ordre, de faire présenter leurs réclamations par l'intermédiaire des hommes de confiance dont les fonctions sont prévues aux articles 43 et 44 , ou, à défaut d'homme de confiance, par l'intermédiaire des représentants de la Puissance protectrice.






















jeudi 5 septembre 2013

Le séjour à Villingem : la serrurerie et proposition étrange.

Arrivé au Stalag de Villingen, camp disciplinaire, j'ai été débarassé de mes effets civils et mis en prison pour 10 jours. Après ces 10 jours je devais faire en plus un mois de travaux assez pénibles dans le camp. Dés mon arrivée à ce camp j'ai demandé que l'homme de confiance me rencontre. Je lui ai exposé mon changement de champ. Il m'a rassuré que je resterais là, j'étais un cas parmi d'autres, en effet pour me remettre à mon Stalag à Augsbourg, un soldat allemand aurait 1200km à faire par chemin de fer. 40 jours ont passé au camp disciplinaire - nous étions en mars 1941. J'avais oublié mon echec de la première évastion - ma complice ne pouvait avoir eu d'ennui -cela aurait été pour moi un cas de conscience grave. Tout avait été étudié et imaginé dans les moindres détails. J'étais serein et décidé à passer à une deuxième évasion assez rapidement.
Une petite entreprise de Villingen cherchait un serrurier parmi les PG du Stalag. Je n'ai pas hésité à poser ma candidature pour ce travail. De toute façon j'avais décidé de ne plus m'évader en partant directement du camp. Les difficultés étaient grandes et dangereuses.
Pour réussir il fallait s'évader d'un commando en vêtements civils ce qui était impossible en partant du Stalag (barbelés, soldats en arme-chiens etc...)
Le lendemain je partais du Stalag pour la serrurerie. J'ai pris contact avec la patronne-propriétaire de l'entreprise. L'atelier n'était pas grand - un tour, une fraiseuse, un étau limeur, une poinçonneuse, une cisaille électrique, matériel moderne et en bon état. Quelques jours après mon arrivée la patronne, qui parlait assez bien français, me disait que son mari était en prison à Konstanz depuis le début de la guerre, il n'en sortirait, m'a-t-elle dit, qu'après la guerre et encore si l'Allemagne était perdante, ce qu'elle espérait, étant antinazi. Mon travail était intéressant du point de vue professionnel. Je construisais de l'outillage destiné à la fabrication de brosses de toutes sortes. La nourriture était bonne. Je recevais en plus une bouteille de bière le matin et une autre l'après-midi. Une sentinelle m'amenait à l'atelier le matin à 7 heures et me ramenait au Stalag tous les jours à 18h. Je ne prenais plus mes repas au camp. Un mois plus tard nous recevons la visite de 2 civils genre Gestapo - imperméable noir, chapeau mou bord bien incliné vers l'avant. But de la visite : proposition de me transformer en civil. Je recevrais une carte d'identité me permettant de circuler en Allemagne comme un Allemand. Je serais rémunéré comme un ouvrir qualifié avec possibilité de prendre mes repas où cela me plairait et je logerais à l'hôtel où cela me plairait. Condition : je ferais une déclaration écrite sur l'honneur de ne pas me rendre dans un autre pays sans autorisation. J'avais également à donner l'adresse de ma famille en France. Père, mère, épouse, frères et sœurs. Je devais également donner ma signature une fois par mois au service des étrangers. Je l'ai laissé parler pour répondre que je n'étais pas d'accord. Ils ont un peu insisté, sans menaces, en me disant que beaucoup de PG français avaient accepté et étaient satisfaits. Le lendemain la patronne m'a félicité de mon refus sans doute par opposition au régime Nazi et peut être aussi dans l'intérêt de son entreprise.

lundi 26 août 2013

Première évasion

...
Je changerais mes vêtements de PG pour m'habiller en civil, ensuite en route pour Augsbourg. En cas de contrôle elle me ferait passer pour un stoppeur Italien travaillant en Allemagne et se rendant à Munchen. Elle proposait que le véhicule me prendrait à son domicile. J'ai refusé cela à cause d'un éventuel témoin, mais nous pouvions nous rendre chez son amie dans une petite maison de campagne entre Augsbourg et Munchen. J'ai accepté cette proposition. Le projet était bien préparé, c'était une femme intelligente et sûre d'elle et bien placée dans le Parti.
Le surlendemain l'entente était faite - je devais me trouver entre 20 et 21 heures à la croisée des deux chemins. Mon passage par l'égout s'est bien réalisé. Peu de temps après mon arrivée - 20h30 environs, je prenais place dans la voiture pour une destination inconnue. Nous avons roulé environ une demi heure sans arrêt, la voiture s'est arrêtée sur un petit chemin conduisant à une petite maison de campagne. Je me suis installé dans cette maison inoccupée où j'ai passé trois jours. Ceci pour donner le temps de changer des vêtements usagés mais présentables, recherche d'un chapeau et d'un imperméable.
3 jours donc après mon arrivée ma complice est venue m'apporter les effets civils. Nous partons ce jour à 20h pour la gare de Munchen, la voiture étant conduite par l'amie de ma complice. 2 billets de chemin de fer pour Weil avec couchette 1ere classe avait été pris en gare. Nous avons pris le train à 21h30. Sur le quai de la gare et au contrôle des billets, il y avait toujours entre nous une distance de 10 à 20 mètres de sécurité. Nous nous sommes installés dans le même compartiment, moi une couchette en haut et elle une en bas. En cas de contrôle des billets elle devait dire que nous avions échangé quelques mots banals et que je lui avais demandé si elle voulait bien présenter mon billet au contrôleur afin de ne pas me déranger dans mon sommeil. Changement de train à Fribourg ( 500km depuis Munchen). Je me suis levé de ma couchette à quelques kilomètres de la gare de Weil. Je fais discrètement mes adieux et grands remerciements. Je descend du train pour prendre le chemin longeant la ligne de chemin de fer espérant trouver une sortie vers le Pays en profitant de la demi obscurité. L'éclairage des abords et de la gare était réduit au maximum. Le train s'était remis en route et m'a dépassé. Je ne le voyais presque plus quand venait à ma rencontre un soldat ou un douanier que l'on pouvait confondre avec la nuit.
Arrivé à ma hauteur il s'arrête en me faisant signe d'exécuter (demande de papiers que je n'avais pas). Je lui ai donné un coup d'épaule pour l'effacer de mon chemin. Je me suis mis à courir le plus vite possible. Lui en a fait autant, il m'a fait une citation de m'arrêter, je me suis arrêté, lui également. Nous nous tenions à environ 30 mètres l'un de l'autre sans bouger. Rapidement j'ai repris la course - à la 2e citation je me suis rendu. J'avais aperçu qu'il portait sous sa cape une arme dont il m'a menacé. Arrivé au poste il retira sa cape en riant. Son arme n'était autre chose qu'une bouteille de bière dont il m'a offert un verre. Une tasse de café avec schnaps et casse-croûte m'ont été offerts. C'était un homme tranquille, non agressif. Il a téléphoné -sans doute pour avoir des instructions. Il m'avait demandé avant à quel Stalag j'appartenais (numéro du Stalag). Il lui ai dit Stalag 5B Villingen. Ces renseignements étaient faux mais je savais que cela passerait et me permettrait de me trouver à 50km du Rhin au lieu de 650km. Cette première évasion était réussie dans le sens qu'une deuxième évasion devenait plus facile du fait d'un rapprochement considérable avec le Rhin.
Le jour même j'ai été emmené à Fribourg où j'ai passé deux jours dans une prison de condamnés de droit commun. Un soldat en arme m'a ensuite emmené directement à Villingen avec 2 autres PG évadés et repris au Rhin.



Notes :
un prisonnier de droit commun est un prisonnier condamné par une tribunal de grande instance, donc un criminel ou un bandit (en opposition au prisonnier politique).

Le Stalag 5B de Villingen : ce stalag était installé dans la région du Bade-Wurtemberg allemand sur les pentes de la Forêt Noire, à 750 mètres d'altitude. Situé aux abords de Villingen et à 40km de Fribourg-en-Brisau, il n'est distant que d'environ 40km de la frontière suisse. C'est pour cette raison qu'en 1941, il était réputé comme l'un des plus fertiles en évasions, en raison de la proximité de la poche de Schaffhouse, qui réduisait considérablement la distance avec la frontière de la liberté.
source : http://militaria1940.forumactif.com/t2268-essai-d-historique-sur-le-stalag-vb



















vendredi 23 août 2013

Suite de la préparation de la première évasion

Le boulanger était d'accord de me prendre à sa boulangerie. Cela était plus qu'il ne m'en fallait. Le patron boulanger allait dont faire une demande au bureau d'embauche. Je dois préciser que cet homme avait été gravement blessé à Verdun, fut opéré et soigné en France et rapatrié en Allemagne après sa guérison totale début 1918. Ce allemand disait souvent qu'il aimait bien les français à qui il devait la vie. Il traitait son prisonnier comme le fils de la famille. Je crois que je ne pouvais tomber  mieux. Quelques jours après la démarche du boulanger, j'étais convoqué par l'homme de confiance du Camp, un Alsacien, peut-être devenu Allemand - mais très chic. L'accord conclu je pouvais prendre ce travail. Le premier contact avec le boulanger était bon : café, lait pain de bonne fabrication. Désignation de mon travail : j'étais chargé de tenir les sols de l'atelier et de la cour en état de propreté constante, entretien des fours et de l'outillage de fabrication et de manutention du pain. Le chauffage au gaz ou électricité n'existant pas. Préparation à l'allumage. C'était des taches bien précises et permanentes demandant 3 à 4 heures de travail sur les 10 heures de présence.
Mon projet d'évasion par les égouts tenait toujours, mieux encore - j'allais pouvoir obtenir des renseignements sur cette fosse de décantation, l'emplacement de la gare, le moyen d'accéder aux wagons de marchandises, les heures de départ des trains de marchandises pour la Suisse - mon objectif étant Weil à 2 pas de la gare de Bâle.
Après quelques jours de travail, le patron vint me demander si je voulais bien travailler quelques heures par jour chez une voisine. Vu le peu de travail à faire à la boulangerie j'étais un peu obligé d'accepter. Cette voisine m'avait aperçu à plusieurs reprises dans la cour de l'atelier de la boulangerie. Je serais chargé de cirer meubles et parquets de son appartement, nettoyage de bibelots, lustres, etc... L'appartement était situé dans le même immeuble que la boulangerie, on pouvait y passer sans mettre les pieds dehors.
Le premier jour de mes nouvelles "fonctions" j'ai visité un appartement très luxueux. J'avais de suite remarqué qu'on y voyait de nombreuses gravures militaires et diplômes au nom d'un capitaine de S.S. avec décoration de croix de guerre nazi. Je me suis un peu arrêtée devant ce diplôme. La dame m'a alors dit que c'était son mari en France en 1940. Parlant français d'une manière exceptionnelle elle m'a dit que son mari était actuellement en France ou en Pologne, elle était sans nouvelles de lui depuis 1 mois. Le temps passe, j'en suis au 10ième jour de ma présence chez elle. Je suis assez libre et confiant pour lui avouer que mon seul désir était de m'échapper de cette prison le plus rapidement que possible. Spontanément elle m'a assuré qu'elle me comprenait et me donnerait même les moyens pour y arriver.
J'acceptais sa complicité en lui précisant bien que j'avais deux devoirs, l'un de regagner mon Pays, l'autre d'éviter tout ce qui pourrait apporter le moindre doute sur sa complicité. Je lui demandais de me fournir les renseignements concernant la fosse de décantation. Le lendemain - s'étant rendue elle même sur les lieux - j'étais renseignée, il était très possible de sortir de l'égout, la fosse n'étant pas un obstacle. La fosse se trouvait sur une petite route de forêt rattachée à proximité à une route normale menant à Augsbourg. De là, je pourrais me rendre de nuit à la gare de marchandises où je pensais avoir la chance de prendre le premier train à 3 heures du matin. Ce train allait jusqu'à Fribourg. Je ne pensais pas pouvoir aller plus loin avec ce moyen sans risques mais cela est dans le "métier". Dans une évasion il n'y a que risques et chances, il faut simplement oser et surtout vouloir. Après avoir exposé ce projet, ma complice me dit - après avoir réfléchi - qu'elle ferait autre chose et sans risque : je sortirais du camp par les égouts comme prévu, un véhicule militaire conduit par son amie du Parti m'attendrait au croisement des 2 chemins en position de départ pour Augsbourg.



















mercredi 21 août 2013

Suite : préparation de la première évasion.

Nous avions souvent la nuit la visite de nos gardiens (2 à 4 fois par nuit). Ils retournaient les paillasses et renversaient tous les objets à la recherche de quelques éléments de préparation. Ils avaient raison de  ne pas nous faire confiance. 4 tenues militaires allemandes avec baillonnettes et calots étaient planquées sous le plancher de la baraque. Il ne manquait que les fusils. Cet équipement devait servir à faire sortir du Camp 40 PG par 4 PG parlant bien l'allemand (PG = Prisonniers de Guerre)
J'avais sans cesse l'idée de m'échapper de ce camp pour la cavale, mais les abords du camp ne permettaient pas d'envisager une solution favorable de ce côté.
Le camp était clôturé par 6 rangées de barbelés d'une profondeur de 6 mètres, hauteur 3 à 4 mètres, de plus 4 miradors avec mitrailleuses et projecteurs balayant la nuit en permanence ce réseau de barbelés.
Personnellement je ne voyais la sortie que par les égouts dont le dernier boisseau débouchait dans une fosse de décantation située à 20-30 mètres à l'extérieur des barbelés. Cette fosse était située dans un bosquet de sapins très visible de l'intérieur du camp.
Restait à connaître la profondeur de cette fosse ainsi que son mode de raccordement avec le dernier boisseau de l'égout.
Je ne pouvais prendre le risque de connaître ce renseignement à l'avance, il serait donc connu en pleine évasion.
J'avais décidé de passer à l'exécution en prenant le risque dont l'échec n'aurait pas été une catastrophe car je pouvais encore faire marche arrière et reprendre ma place au camp sans avoir attiré l'attention des gardiens.Il fallait aussi prendre en considération que le dernier boisseau de l'égout soit fermé par une porte cadenassée. J'avais prévu une lame de scie et des crochets pour venir à bout avec une telle fermeture. Il me restait à faire les préparatifs en détail (boussole et carte en particulier, ravitaillement en biscuits et dattes Pétain, chocolat et tabac en bonne quantité). (j'ai cherché sur le net une infos sur les "dattes Pétain" mais bon les moteurs de recherches pensent à une faute d'orthographe pour "date" et du coup je ne trouve rien sur ce sujet ... je tacherai de me renseigner ultérieurement sur ce sujet)
Au marché aux puces du camp je pouvais moyennant tabac trouver tout ce qui me manquait. Tombant sur un fumeur invétéré en panne de tabac, PG travaillant tous les jours à Augsbourg situé à moins de 100m du camp, chez un boulanger, je lui ai demandé en lui remettant deux paquets de "gris" de demander à son patron s'il ne voyait pas une place pour moi chez ses clients ou connaissances. J'étais devenu volontaire pour le travail mais un travail de mon choix et avec un but précis.



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Notes et précisions (pas de l'auteur mais de moi ) :

Augsbourg est une commune située en Bavière, historiquement importante militairement vu sa situation géographique stratégique. Durant la période qui précéda la 2de Guerre Mondiale où l'Allemagne préparait son réarmement, la Wehrmacht agrandit la caserne initiale pour en avoir trois : "Somme Kaserne" (abritant le régiment 27 de l'artillerie de la Wehrmacht), "Arras Kaserne" (abritant le régiment 27 d'infanterie de la Wehrmacht) et la "Panzerjäger Kaserne (abritant la "division antichars n°27" (plus tard nommé la division de destruction de chars n°27"). (cf lien wikipédia pour ce texte en vo)

Pendant la 2de Guerre Mondiale, un des camps secondaires du camp de concentration de Dachau fut situé juste en dehors de Augsbourg, fournissant environ 1300 forces de travail pour l'industrie locale d'équipement militaire, en particulier pour la société Messerschmitt AG (fabrique des avions militaires).

Donc à priori, Marius a été interné à ce moment là dans ce qui est appelé le kommado extérieur d'Augsbourg-Pfersee et pas Augsbourg-Haunstetten qui est un camp pour femmes. J'espère pouvoir vraiment trouver des documents me permettant d'avoir un certitude plutôt qu'une hypothèse !

sources : http://en.wikipedia.org/wiki/Augsburg
http://memoiredeguerre.pagespro-orange.fr/lieux-dep/dachau.htm
http://www.crrl.fr/Ressources/Camps/a.htm


(désolée pour la traduction approximative des termes d'armement militaires qui étaient en allemand... merci google trad... Je vais voir à faire des recherches plus approfondies sur le sujet de ce camp mais ça sera pour plus tard quand j'aurai finit de retranscrire ce récit !)


mardi 20 août 2013

Juin 1940

Récit de 3 évasions.
Guerre de 1939 - 1945
et quelques souvenirs de captivité
par Marius Choffel - l'intéressé.

Fait prisonnier le 17 juin 1940 à Xomrupt (Vosges). En convoi à pieds j'ai été dirigé en groupe sur Neuf Brisach où j'ai passé 15 jours en compagnie du Commandant Montcharmont. Vers le 15 juillet nous avons été dirigé sur Vieux Brisach en vue d'un départ vers une destination ignorée. Un train de wagons à bétails nous attendait. Chargés dans ces wagons entassés comme des sardines - nous avons appris notre destination par des sentinelles allemandes - nous allons à Munchen. J'étais toujours en compagnie de Montcharmont à qui j'ai dit avant notre séparation à Munchen (séparation des officiers pour OFLAG) que la guerre ne faisait que commencer, que je serais en France en vie avant 2 ans ou mort en évasion.

Le camp que j'occupais (stalag 7 A) comptait 5000 prisonniers. Non volontaire pour le travail, j'ai été affecté à la fameuse Baraque 39, camp des fortes têtes et des récalcitrants au travail. Pour faire pression sur notre mauvaise volonté notre nourriture était réduite au maximum : épluchures de pommes de terre cuites au suif, 2 kannenbrot, 50g de fromage blanc) le tout pour une journée. (j'ai cherché ce qu'était le "kannenbrot" et je n'ai rien trouvé à ce sujet, sachant que "kannen" en allemand veut dire "peuvent", peut être que c'est une sorte de faux pain ? Mais là ça n'est qu'une hypothèse totalement personnelle)
Les Allemands assez respectueux -à cette époque- des conventions de Genève étaient autorisés à nous faire travailler à des travaux d'entretien et de propreté dans le camp uniquement, par exemple en hiver pour le ramassage de la neige. Nous devions faire 4 tas de neige énormes, les placer aux 4 coins de la cour, les changer de place 2 à 3 fois et ensuite de ces 4 tas n'en faire qu'un seul au milieu de la cour, ensuite refaire de ce gros tas 4 autres tas, les replacer aux 4 coins, etc. Tout ce travail amusant autant que ridicule, avec quelques pelles et des brouettes. Tout cela n'était qu'un simple moyen pour faire pression contre notre volonté de ne pas travailler chez les paysans de Bavière qui manquaient de bras. Avec toute cette manipulation et le soleil aidant, la naige disparaissait - supprimant ainsi notre travail "productif".